Nos impressions sur le procès de monsieur D.


Émotions à la Cour d’assises de Nantes les 19, 22 et 23 janvier 2018.



Le vendredi 19 janvier 2018, avec notre classe de seconde B, nous avons rendez-vous à 8h15 devant le tribunal.

Dans le cadre d’un projet JUSTICE en cour d’assises  nous  savons  que nous allons assister au procès d’un meurtrier, sans plus d’informations…

Monsieur D est accusé du meurtre de Monsieur T, à coups de barre de fer, le 8 septembre 2015, dans un squat à Saint Sébastien-sur-Loire.



Durant la 1ère journée du procès, la vie de l’accusé est évoquée : sa famille, son parcours de vie, son enfance…

Au fur et à mesure, nous  découvrons que la vie de monsieur D n’a pas été si facile que ça, on peut même dire qu'elle a été très chaotique.

Né dans une famille pauvre et marginale, 4ème d’une fratrie de huit enfants, il est rapidement placé en foyer dès l’âge de 4 ans.

Au début du procès, nous imaginions n’avoir aucune pitié pour un homme qui a tué quelqu’un.
Monsieur D n’a vraiment pas eu de chance ni de soutien de la part de ses proches. La procédure est importante : le curriculum vitae énumère les différentes étapes de sa vie, aussi bien avec ses difficultés qu’avec ses réussites.



Vue de l’intérieur du palais de justice de Nantes
(photographie 2nde B)

Le passé de monsieur D est difficile et douloureux à évoquer, surtout en cour d’assises. Nous avons ressenti de la compassion pour cet homme dont le père est décédé d’un cancer généralisé alors que monsieur D n’avait alors que 17 ans. Il a également été victime d’abus sexuels  par son oncle alors qu’il était très jeune. Ensuite, il a été placé dès l’âge de 4 ans en foyer, comme ses frères et sœurs.
Monsieur D est décrit par certains témoins comme une personne respectueuse, assez solitaire mais généreuse. 
Nous avons vraiment été touchées par ces témoignages : il mérite du bonheur et de l’attention et non pas d’être enfermé pendant une bonne partie de sa vie en prison.

Ce qui nous a le plus touché durant cette journée, c’est le moment où il a déclaré  qu’au moins en prison il aurait un toit et ne serait pas à la rue, et que les prisons sont similaires aux foyers dans lesquels il a été placé jusqu’à ses 18 ans.
« Vos surveillants pénitentiaires c’est comme les éducateurs du foyer sauf qu’il y a une étiquette prison » dit-il en montrant son torse.
Ces propos extrêmement forts nous font réaliser que la vie n’est pas toujours aussi simple que l’on croit. A 16 ans, j’ai tout ce que je désire, une vie de famille...


L'accusé - Dessin de Rose B. - 2nde B

         Le deuxième jour du procès, avec notre classe, nous nous rendons au tribunal à l’heure du rendez-vous , mais la suite du procès n’a pas lieu le matin.

En effet, un mouvement de manifestations se déroule devant les prisons, pour dénoncer les mauvaises conditions de travail des surveillants pénitenciers.  Pour nous faire passer le temps, notre professeur , madame Le Louvier,  se démène pour nous trouver quelque chose à faire en attendant le procès, reporté à 13 heures (audience suspendue).
Notre professeur  finit  par  trouver un juge disponible, qui vient  pendant ses heures de travail pour nous expliquer en quoi consiste son métier : juge aux affaires civiles. Ce juge, Jean-François Zedda, est passionné par son métier et nous parait  très intéressant. En l’entendant parler, nous alors comprenons  comment il a réussi le dur concours de la magistrature. Cet homme aime, voire adore  son métier.

L’audience reprend comme convenu l’après-midi avec un expert en incendies. Il vient présenter ses observations, afin de mieux comprendre le déroulement et l'origine de l’incendie qui a eu lieu dans la maison du squat le jour du crime. Ses explications nous semblent un peu longues mais elles sont  importantes pour avancer dans la compréhension de l’enquête. L’avocate générale est dure à son égard, elle lui demande de nombreuses précisions et  donne l’impression de remettre en cause ses connaissances, ce qui nous déplaît.

Ensuite, un médecin légiste vient pour expliquer les analyses faites sur le corps de la victime. Son intervention est assez longue, mais son professionnalisme et ses connaissances ont  rendu cela très intéressant. Il explique les blessures et les causes de la mort de monsieur T. 
Cela nous fait réaliser et comprendre la violence de la scène et les raisons pour lesquelles aujourd’hui cet homme, monsieur D, risque une peine très longue. Jusqu’ici cela était resté abstrait pour nous. Nous prenons conscience des conséquences de ses actes et de la douleur de la famille qui s'est constituée partie civile.
Cependant,  en apprenant le passé de l’accusé, on peut comprendre comment celui-ci a eu cette réaction disproportionnée et pourquoi il est passé à l’acte... même si son passé n’excuse pas ce qu’il a fait.


La salle de la cour d'assises: le tribunal et la barre. Dessin Léha C. - 2nde B


             Le mardi matin, nous assistons aux interventions de la partie civile. Nous trouvons les paroles de la petite sœur de la victime poignantes et très émouvantes. Elle nous  fait part des souvenirs et de l’émotion qui est en elle depuis le jour où son frère est mort : « Perdre un membre de sa famille, c’est comme si on perdait une partie de soi- même ».
Le frère de la victime prononce  lui aussi un  discours, concernant la relation qu’ils ont eue,  lui et son frère. Ils étaient très proches et passaient beaucoup de temps ensemble : « C’est quelque chose de très dur à vivre et on ne peut comprendre ça que quand ca nous arrive ».

Avec leurs interventions, on comprend que monsieur T était une personne qui prenait soin de ses proches. Nous voyons un diaporama diffusé à la demande de la partie civile, de photos de monsieur T avec sa fille, ses frères et sœurs et autres membres de sa famille. Ce sont des moments forts et marquants de sa vie, avec de la joie et du bonheur partagés, qui sont à présent remplacés par des pleurs et de la colère envers l'accusé,  responsable de ce malheur. Nous trouvons, en tant que témoins de cette audience, qu’il n’est pas facile de prendre parti et de se faire un avis positionné et tranché, car des deux côtés les contextes et parcours de vie sont très compliqués.

L’après-midi, une vidéo conférence a lieu avec le psychologue, qui a analysé la personnalité de monsieur D en retraçant son enfance, afin de mieux comprendre les raisons pour lesquelles il est passé à l’acte. Cela apporte de nouveaux éléments et éclaire des points qui ne semblaient pas évidents à mettre en lien, y compris pour nous.

Arrive enfin la réponse de l’avocat de la Défense qui est  pour nous le plus constructif et le plus convainquant.  Il emploie des mots forts « cet homme durant ces trois jours ne s’est pas défendu ! Moi je suis le seul à pouvoir le faire ! ». Il évoque le fait que son client regrette ce qu’il a fait. 
Son avocat lui demande alors : «  Si vous aviez  une baguette magique qu’est ce que vous en feriez ? ». Le prévenu lui répond qu’il reviendrait à l’âge de ses quatre ans, c’est-à-dire avant d’être placé en foyer. Ses paroles sont  pleines de regrets et nous font prendre conscience de la tristesse de cet homme.

A la fin, la présidente de la Cour demande à l’accusé s’il a quelques mots à ajouter. Celui-ci se lève et, à notre surprise, s’excuse auprès des jurés pour leur avoir fait perdre 3 jours de travail. A notre sens ce n’était pourtant pas la priorité. Il ne s’excusera auprès de la mère de la victime qu’à la fin de sa prise de parole. Selon nous, les excuses auraient dû être adressées à la famille de la victime en premier lieu.

Cette expérience fut pour nous très enrichissante, et nous a permis de découvrir autrement la justice.

Nolwen C.
Elena M.






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